mercredi 18 mars 2015

par la Rédaction   Pas de commentaire

            Une fois n'est pas coutume, nous allons parler de musique. Mais pas de n'importe quelle musique. Nous ne parlerons pas de genres reconnaissables comme le jazz, le rock, le rap ou encore la dubstep ( quoique pour cette dernière, l'appellation « musique » est plus que flatteuse ). Non, nous allons parler de cette petite musique indiscible que nous entendons inconsciemment à la télévision, à la radio, dans les journaux, sur Internet etc... Elle n'a pas de nom proprement définie, ce qui nous empêche de l'entendre distinctement. Tantôt on l'appelle «  propagande », ou « marketing » ou « publicité » ou alors « communication ». Dans cet article, qui comportera des suites, nous allons apprendre à l'écouter au lieu de l'entendre, à la reconnaître, et aussi, pourquoi pas, à en jouer.



  1) Premièrement, le tempo !!!

            La musique est un art qui consiste à combiner les sons et les silences au cours du temps. Le support de cette combinaison au cours du temps est le rythme, la hauteur est celle de cette combinaison dans les fréquences, la note de musique étant le symbole représentant la hauteur et la durée d'un son.

            Dans le cas qui nous intéresse, on va d'abord commencer par parler de bruit, du bruit médiatique pour être plus précis. D'après Jean- Luc Mano, conseiller en communication multicartes (et chargé notamment de celle de Nathalie Kosciusko-Morizet  pendant sa campagne des municipales de Paris), l'art de la communication réside dans la capacité à émettre un son audible dans le brouhaha. Dans le cas d'une crise ou d'une affaire gênante, il faut s'assurer que sa version des faits soit entendue et pour cela, il faut suivre le rythme du bruit médiatique et parler au bon moment. C'est à cela que sert l'UBM ( l'unité de bruit médiatique ).

            L'UBM est une unité servant à mesurer l'exposition médiatique d'une personnalité, d'une marque, d'une affaire... 1 UBM, c'est quand 1% de la population est exposé à l'information une fois, donc à 100 UBM on estime que 100 % de la population a été exposée une fois à l'information, autrement dit, l'info a été diffusé partout, sur toutes les chaines de télé, sur toutes les radios, sur la une des journaux etc... A partir de 300 UBM par exemple, on estime que 100% population a été exposée au moins 3 fois à l'information.

            Comme l'explique bien Hugues Le Bret, ex-directeur de la communication à la Société Générale au moment de l'affaire Kerviel, dans toute communication, il est nécessaire de se fixer des objectifs, notamment vis-à-vis de l'UBM. Dans le cas par exemple d'une élection, il est primordial de faire parler de sa personne en bien, donc il va falloir booster l'UBM autour de sa personne et dans un cadre positif pour rendre inaudibles ses adversaires, dans le cas d'un scandale public, il sera plus judicieux de réduire l'UBM autour de l'affaire avant de contre attaquer. Ce qu'il faut absolument éviter, c'est le brouhaha, car là on ne contrôle plus l'information, on ne contrôle plus ce qui est dit et on ne peut plus avoir d'impact sur la suite des évènements. Hugues Le Bret définit la grande difficulté de la communication par la capacité «  d'arriver à gérer des silences et d'arriver à les imposer, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut parler. Ça veut dire qu'il faut parler avec un certain tempo et il faut réussir à dominer le tempo. »

            Ainsi, le bon communiquant tel un chef d'orchestre, sait quand le soliste doit jouer du pipeau, quand l'orchestre doit le suivre à la clarinette, à quel moment sortir les violons etc... ce qui suppose bien entendu de bien savoir manipuler les médias, comme en profitant du flux d'actualité continu et en cessant tout communiqué, pour diminuer l'intérêt des gens pour le dossier, si l'objectif est la baisse du l'UBM. Ou alors profitez de certaines de ses «  amitiés » dans la presse pour bien apparaître à la une au moment opportun et avoir un maximum d'UBM sur l'info que l'on choisit de filtrer.

            Le rythme étant très important, le séquençage médiatique est indispensable. Il faut laisser croire à un récit cohérent qui lève toute suspicion et pour cela, il est nécessaire quelquefois d'attendre que les journalistes fassent monter l'attente (par exemple en fuitant des infos) pour qu'ensuite la révélation ait l'effet escompté.



2)La composition du thème...

            On a vu plus haut que l'art de la musique consiste à alterner les sons et les silences. Tout est question de rythme. A partir de quelques notes, on compose un thème. Comme par définition, celui-ci va se répéter et être mémorisé. Inlassablement réinterprété le thème sert à alimenter le dessein de la mélodie. En communication, on appelle ça l'élément de langage.

            Un cas pratique pour éclaircir tout ça. Depuis décembre 2012, des employés de magasins de bricolage, manifestent bruyamment pour leur droit à travailler le dimanche. Ce qui pourrait passer pour un mouvement social spontané est en réalité un mouvement d'influence généré par les directeurs de magasins de bricolage. Pour preuve, les salariés n'étaient pas grévistes, ils étaient même payés par la direction de Leroy Merlin et de Castorama.
           
            L'objectif des deux enseignes était simple, il était de faire changer la loi sur le travail dominical. D'après Stéphane Attal, le communicant engagé par les deux grandes chaînes de magasins, le dimanche représentait 20 à 25% du chiffre d'affaires. Dans une société démocratique, théoriquement, les entreprises ne peuvent pas prendre l'initiative de proposer des lois, en revanche la population le peut. Il faut donc donner l'illusion d'une revendication sociale. Et c'est là qu'on en arrive à composer le thème.

            Les Ateliers Corporate, l'entreprise de stratégie en communication de Stéphane Attal, va réunir des salariés volontaires des deux entreprises et constituer des groupes de travail «  démocratiques ». Bien sur, ce n'est qu'une illusion seul le nom du mouvement a été décidé par les salariés, ( et encore Stéphane Attal reconnaît que le nom du mouvement « les bricoleurs du dimanche » a été créé à l’initiative de l'un des groupes mais ils sont « intervenus » pour que ce nom soit adopté par les autres),  tout le reste : le discours et les slogans a habilement été décidés par le communicant. Le slogan « yes week end » aurait été chuchoté à quelques salariés avant qu'il ne soit adopté par le mouvement. Ainsi les salariés ont l'impression d'avoir impulsé d'eux mêmes un mouvement voulu par le patronat. C'est à ce moment qu'interviennent les éléments de langages.



3)Le choix des notes.

            Les éléments de langages sont des expressions ou des mots-clés qui doivent être constamment répétés dans le discours afin d'être repris par les journalistes. L'objectif est d'imposer son propre vocabulaire dans les médias. Débordés par le flux d'informations, les journalistes n'hésitent pas à reprendre des bouts de phrases de communiqués officiels, pour preuve regardez les titres étrangement similaires des articles détaillant des comptes rendus de conférence de presse et de communiqué officiels.










Nous pensons et comprenons par les mots et les signes ( images, sons, etc...) donc contrôler le champ lexical dans une discussion quelconque est un moyen de limiter la pensée de son détracteur.



            Si nous reprenons les cas des « Travailleurs du dimanche », les éléments de langage étaient « volontariat », « majoration de salaire » et « repos compensateur ». Vous aurez noté que les termes choisis ne parlent que de la condition salariale. C'est pour évidemment occulter les intérêts patronaux dans cette histoire. Pourquoi ? Parce qu'il est beaucoup plus acceptable pour l'opinion que des réformes soient issues de revendications populaires. Et ainsi, la seule opposition possible ne pourra se faire que contre les salariés puisque les éléments de langage excluent les intérêts de l'entreprise. Maintenant, demandez vous pourquoi «  l'État Islamique en Irak et au Levant » est de venu « DAESH », pourquoi «  l'affaire de la Société Générale » est devenu « l'affaire Kerviel » et si vous me sortez : « parce que c'est plus court et plus simple », pourquoi « l'affaire Findus » est devenu « l'affaire de la viande de cheval » ?

            Résultat: Après un an de combat médiatique, le gouvernement promet une refonte de la loi, permettant le travail sur 12 dimanche dans l'année au lieu de 5. Pour les travailleurs du dimanche, ce n'est pas une « victoire » ou un « triomphe » mais un « soulagement » et une « avancée » (ÉLÉMENTS DE LANGAGE!!!!!!!!!!). Ainsi les intérêts privés de quelques entreprises se sont changés en sujet de société. Stéphane Attal n'a qu'un seul regret : de ne pas avoir négocié une prime de réussite. Eh oui, on peut pas être bon partout !!!


4) De la musique, oui, mais pour quel public ?


            Pourquoi avoir besoin d'éléments de langage ? Pourquoi communiquer au public alors que l'on pourrait faire lobbying en privé ? N’est-il pas plus judicieux de garder sa partition confidentielle ? A cela je réponds non, les conflits se règlent avec les armes et l'arme principale du communicant c’est ce que l'on appelle de manière assez confuse et abusive l'opinion publique.

            D'après Yves-Paul Robert, publicitaire, expert en réputation chez HAVAS, 6ème groupe mondial en communication et publicité (http://www.dailymotion.com/video/x1u8i9i_jeu-d-influences-les-strateges-de-la-communication-les-crises_webcam), les stratégies des communicants partent de deux présupposés qui sont :
-L'opinion publique est inarrêtable
-L'opinion publique donne l'avantage dans les négociations.

            Vous n’êtes pas convaincu ? Retour en 2011 avec « l'affaire des avertisseurs de radars ».A la suite d’une augmentation de 13% de morts sur la route, le ministre de l'Intérieur de l'époque, Claude Guéant soumet un projet de loi visant à interdire les appareils avertisseurs de radars, menaçant ainsi toutes les sociétés fabriquant ces produits.

            Comme l'argument de la sauvegarde d'un marché ne marche jamais en ce qui concerne le vote des lois ( sinon le cannabis serait devenu légal depuis très longtemps), la seule option pour ces entreprises était de rendre cette loi impopulaire afin de faire plier le gouvernement.

            Les différentes entreprises se sont d'abord regroupés sous une fédération, L'AFFTAC (Association française des Fournisseurs et utilisateurs de Technologies d'Aide à la Conduite) avant d'organiser une conférence de presse pour appeler les automobilistes à se mobiliser contre cette loi. Bien sur, pour faire comprendre qu'il ne s'agissait pas de leur intérêt immédiat mais celui de tous, ils ont utilisé... non, je vais vous laisser deviner... ça y est, vous y êtes... OUI des éléments de langages !! ( si vous avez trouvé une autre réponse, relisez depuis le début, vous avez loupé quelque chose !!)

            Inutile de s'attarder là-dessus, le plus intéressant arrive après. Des automobilistes se sont effectivement mobilisés dans toute la France.  Les communicants ont alerté les journalistes sur celle de Marseille, assez massive. Ainsi lorsque les journaux ont parlé de cette mobilisation ( donc avec un UBM assez élevé ) ils ont tous parlé de la grande mobilisation à Marseille, tout en la désignant comme « l'une des nombreuses mobilisations dans toute la France », grossissant artificiellement la mobilisation qui certes, a eu lieu ailleurs en France, mais pas avec une telle ampleur.

            Peu après, les sondages ont commencé à s'exprimer et ont montré que la population était plutôt contre l'interdiction des avertisseurs de radars. Le rapport de force est installé. Comme nous l'avons vu plus tôt, le tempo est primordial, et c'est donc avec un UBM élevé donnant l'information suivante :  « Les Français sont contre le projet de loi » que les députés de la majorité UMP à l'époque ont reçu une lettre de cette fédération ( bien entendu, écrite par les communicants), leur indiquant le nombre d'utilisateurs de ces avertisseurs dans leur circonscriptions, et ce un an avant les législatives. Sous cette pression, et certainement soucieux du maintien de leur siège de l'intérêt général, certains de ces députés sont montés aux créneaux contre le gouvernement. Devant trouvé une solution pour se sortir de cette crise, le ministre dut négocier avec les fabricants d'avertisseurs et la solution, comme par magie, fut trouvé par les communicants. Les appareils vendus par ces entreprises ne seront plus des « avertisseurs de radars » mais des « outils d'aide à la conduite » avertissant de tous les dangers potentiels sur la route.

            Ainsi ils ne seraient plus interdits...bien qu'ils continuent à indiquer la position des radars !! Ce n'est pas une « sodomie bien en règle » mais un « arrangement à l'amiable » auquel a contribué l'opinion publique.(Vous voyez, c'est pas bien compliqué d'élaborer des éléments de langages). Une victoire pour la démocratie !

Sauf que... L'OPINION PUBLIQUE N'EXISTE PAS ! C'est pas moi qui le dit, c'est Pierre Bourdieu ! Le Saint Patron des sociologue français a défini l'opinion publique comme une invention pure et simple servant uniquement à légitimer des décisions politiques. Nous verrons cet analyse plus en détail dans un prochain article.

           

            La communication est l’instrument des hommes influents. Son bruit a la capacité de faire passer n'importe quel projet de loi ou imposer n'importe quel débat, si l’on apprend à composer une partition assez claire et cohérente pour qu'elle soit entendue. Nous verrons prochainement en abordant le storytelling, ou nous parlerons de sexe et de drogue dans un article plus rock'n'roll.


























LE SOCIOLOGUE
                       

           

            L'auteur de ces lignes est dans un bar, à finaliser son article « La politique est une musique orchestrale symphonique », quand pour fêter ça, il décide de prendre la pinte spéciale du bar, la « Bière pour Dieu ». Tout de suite après avoir commandé, un homme nu vient s'asseoir à sa table.

Samaël : (reconnaît Pierre Bourdieu, le célèbre sociologue) Pierre Bourdieu ?! Vous êtes vivant?!!

Pierre : ( tranquille) Tout dépend du sens que vous accordez à l'adjectif « vivant ». En tous les cas, votre raisonnement est pertinent.

Samaël : (les yeux rivés sur l'entrejambe, se demande comment on peut avoir un aussi gros...) Et pourquoi vous êtes tout nu un mois de février ?

Pierre : C'est une question de sens pratique.

Samaël : ( se dit que c'est pas mal comme réponse et qu'il la ressortira à ses voisins quand il le surprendront encore en train de faire son jogging à poil) Mais vous faites quoi, là ??

Pierre : (consultant l'article) : C'est un point de vue intéressant, mais vous semblez ignorer que l'opinion publique n'existe pas.

Note : À ce moment-là, l'auteur de cet article se demande de quoi se mêle ce connard nudiste mais Pierre continue.

Pierre : Je voudrais préciser d'abord que mon propos n'est pas de dénoncer de façon mécanique et facile les sondages d'opinion, mais de procéder à une analyse rigoureuse de leur fonctionnement et de leurs fonctions.*

Note: l'auteur de cet article se dit qu'il lui a rien demandé mais bon, il sort son stylo et se prépare à prendre des notes, on sait jamais.

Pierre : Toute enquête d'opinion suppose que tout le monde peut avoir une opinion ; ou, autrement dit, que la production d'une opinion est à la portée de tous. Quitte à heurter un sentiment naïvement démocratique, je contesterai ce premier postulat. Deuxième postulat : on suppose que toutes les opinions se valent. Je pense que l'on peut démontrer qu'il n'en est rien et que le fait de cumuler des opinions qui n'ont pas du tout la même force réelle conduit à produire des artefacts dépourvus de sens. Troisième postulat implicite : dans le simple fait de poser la même question à tout le monde se trouve impliquée l'hypothèse qu'il y a un consensus sur les problèmes, autrement dit qu'il y a un accord sur les questions qui méritent d'être posées. Ces trois postulats impliquent, me semble-t-il, toute une série de distorsions qui s'observent lors même que toutes les conditions de la rigueur méthodologique sont remplies dans la recollection et l'analyse des données.*

Samaël : (De la sueur coule sur son front pendant qu'il prend des notes) Ouais mais tout le monde sait que les sondages ne sont pas fiables, vu que les questions sont biaisées et les échantillons représentent que dalle !! (Dans ta gueule!!)

Pierre : (imperturbable) On fait très souvent aux sondages d'opinion des reproches techniques. Par exemple, on met en question la représentativité des échantillons. *( c'est plus ou moins ce que l'auteur de l'article vient de dire, paye ton sociologue !! )Je pense que dans l'état actuel des moyens utilisés par les offices de production de sondages, l'objection n'est guère fondée. On leur reproche aussi de poser des questions biaisées ou plutôt de biaiser les questions dans leur formulation : cela est déjà plus vrai et il arrive souvent que l'on induise la réponse à travers la façon de poser la question. Ainsi, par exemple, transgressant le précepte élémentaire de la construction d'un questionnaire qui exige qu'on « laisse leurs chances » à toutes les réponses possibles, on omet fréquemment dans les questions ou dans les réponses proposées une des options possibles, ou encore on propose plusieurs fois la même option sous des formulations différentes. Il y a toutes sortes de biais de ce type et il serait intéressant de s'interroger sur les conditions sociales d'apparition de ces biais.*

Samaël : ( se dit que Pierre enfonce des portes ouvertes) Oui, mais donc...

Pierre : (l'interrompt) La plupart du temps ils tiennent aux conditions (Ok, l'auteur peut aller se faire foutre avec sa question ) dans lesquelles travaillent les gens qui produisent les questionnaires. Mais ils tiennent surtout au fait que les problématiques que fabriquent les instituts de sondages d'opinion sont subordonnées à une demande d'un type particulier.

Samaël : (commence à être intrigué) De quel type ?

Pierre : ( imperturbable, encore !! ) Une analyse statistique sommaire des questions posées nous a fait voir que la grande majorité d'entre elles étaient directement liées aux préoccupations politiques du « personnel politique ». Si nous nous amusions ce soir à jouer aux petits papiers et si je vous disais d'écrire les cinq questions qui vous paraissent les plus importantes en matière d'enseignement, nous obtiendrions sûrement une liste très différente de celle que nous obtenons en relevant les questions qui ont été effectivement posées par les enquêtes d'opinion. La question : « Faut-il introduire la politique dans les lycées ? » (ou des variantes) a été posée très souvent, tandis que la question : « Faut-il modifier les programmes ? » ou « Faut-il modifier le mode de transmission des contenus ? » n'a que très rarement été posée. De même : « Faut-il recycler les enseignants ? ». Autant de questions qui sont très importantes, du moins dans une autre perspective.*

Samaël : ( fait craquer ses doigts et se prépare à écrire la suite qu'il perçoit comme prometteuse) Mais dans ce cas, pourquoi sonder des gens sur des sujets qui ne les intéressent pas ?

Pierre : (triomphant, il a réussi à faire monter le suspense c'te enfoiré) Les problématiques qui sont proposées par les sondages d'opinion sont subordonnées à des intérêts politiques, et cela commande très fortement à la fois la signification des réponses et la signification qui est donnée à la publication des résultats. Le sondage d'opinion est, dans l'état actuel, un instrument d'action politique ; sa fonction la plus importante consiste peut-être à imposer l'illusion qu'il existe une opinion publique comme sommation purement additive d'opinions individuelles ; à imposer l'idée qu'il existe quelque chose qui serait comme la moyenne des opinions ou l'opinion moyenne. L'« opinion publique » qui est manifestée dans les premières pages de journaux sous la forme de pourcentages (60 % des Français sont favorables à...), cette opinion publique est un artefact pur et simple dont la fonction est de dissimuler que l'état de l'opinion à un moment donné du temps est un système de forces, de tensions et qu’il n’est rien de plus inadéquat pour représenter l'état de l'opinion qu'un pourcentage.On sait que tout exercice de la force s'accompagne d'un discours visant à légitimer la force de celui qui l'exerce ; on peut même dire que le propre de tout rapport de force, c'est de n'avoir toute sa force que dans la mesure où il se dissimule comme tel.*

Samaël :( commence à avoir de la fumée sortant des oreilles à force de réfléchir et des ampoules à force de tout noter ) En gros, ce que vous voulez dire c'est …

Pierre : Bref, pour parler simplement (HALLELUJAH!!!!) l'homme politique est celui qui dit : « Dieu est avec nous ». L'équivalent de « Dieu est avec nous », c'est aujourd'hui « l'opinion publique est avec nous ». Tel est l'effet fondamental de l'enquête d'opinion : constituer l'idée qu'il existe une opinion publique unanime, donc légitimer une politique et renforcer les rapports de force qui la fondent ou la rendent possible.*

Samaël : Merci, c'est parfaitement clair.

Pierre : (infatigable pour un mort !!! ) Ayant dit au commencement ce que je voulais dire à la fin (Ok, nique ta mère, j'arrête d'écrire et je relirai mes notes, non mais oh!) je vais essayer d'indiquer très rapidement quelles sont les opérations par lesquelles on produit cet effet de consensus. La première opération, qui a pour point de départ le postulat selon lequel tout le monde doit avoir une opinion, consiste à ignorer les non-réponses. Par exemple vous demandez aux gens : « Êtes-vous favorable au gouvernement Pompidou ? » *

Samaël : Vous êtes au courant qu'il est mort ?

Pierre : (ignorant la remarque précédente) ...vous enregistrez 30 % de non-réponses, 20 % de oui, 50 % de non. Vous pouvez dire : la part des gens défavorables est supérieure à la part des gens favorables et puis il y a ce résidu de 30 %. Vous pouvez aussi recalculer les pourcentages favorables et défavorables en excluant les non-réponses. Ce simple choix est une opération théorique d'une importance fantastique sur laquelle je voudrais réfléchir avec vous.*

Samaël : (l'auteur cherche à s'échapper) Oui mais là je dois partir j'ai curling donc...

            À ce moment, une jeune et jolie serveuse vient à leur table et apostrophe Pierre sur sa tenue, ce à quoi il répond :

Pierre : ( avec le petit regard coquin en coin) Mademoiselle, vous savez que je suis l'auteur de « La Domination Masculine »

            Celle ci s'en va sans dire un mot, l'auteur de cet article a trouvé son dieu. Ému aux larmes, il envoie un grand check dans la main de Pierre avant de s'en aller décortiquer ses notes.

* Ces propos sont issus du texte de Pierre Bourdieu, L'Opinion publique n'existe pas. Exposé fait à Noroit (Arras) en janvier 1972 et paru dans Les temps modernes, 318, janvier 1973, pp. 1292-1309. Repris in Questions de sociologie, Paris, Les Éditions de Minuit, 1984, pp. 222-235. (http://www.homme-moderne.org/societe/socio/bourdieu/questions/opinionpub.html)


           
           





           





samedi 28 février 2015

Depuis sa création le FN n’a jamais régressé. Si en 1974, Jean Marie peinait avec ses 0.74% de scrutins, en 2015 sa fille flirt avec les 30% d’intention de vote (sondage Marianne). Chaque aléa donnant un peu plus de crédit au parti. La crise économique ? La faute au libéralisme. La crise sociale ? La faute aux entreprises et à l’incompétence du gouvernement. Les attentats contre Charlie Hebdo ? Pas besoin de se prononcer les 32% d’intention de vote (+5points) parlent d’eux même. Et si l’actualité donne souvent raison au FN c’est que ses valeurs se nourrissent de l’imaginaire collectif.


Il était une foi...

(pour ce petit récap' deux options: lire le paragraphe ci-dessous ou visionner la vidéo Quand Marine sera présidente)


En 1983 Mitterrand (socialiste) cherche une façon de diviser la droite pour gagner les élections présidentielles de 1986. Le Front National très virulent, devient alors « le diable de la République ». Le Président lui ouvre les médias pour donner davantage de crédit au parti. L’année suivante Mitterrand va plus loin. Voyant que la droite est estimée vainqueur des législatives de 1986 il décide de changer le mode de scrutin et introduit la proportionnelle.

De son côté SOS Racisme met le feu aux poudres. Par le biais d’Harlem Desir l’association va utiliser les thèmes du FN pour décrédibiliser l’extrême droite et ramener les jeunes vers le Président. La stratégie marche, la « Génération Mitterrand » est née.
Grâce à la proportionnelle. Le FN passe de 0.75% des voix à 14.38% au premier tour de 1988 (ce système de vote est ensuite abandonné la même année pour revenir au scrutin majoritaire).

Chirac (droite) comprend alors que s’il veut remplacer Mitterrand il aura besoin des 4 375 000 de voix de Lepen. Il tentera une approche infructueuse avec le leader FN en 1986. Le 1er Ministre n’acceptant aucune concession en échange des voix du FN. Il ne cédera ni à la proposition d’alliance de Jean Marie ni à sa politique d’immigration… Au grand damne de Raymon Barre, Valery Giscard, Charles Pasqua et Edouard Balladur qui voulaient séduire leurs électeurs en prônant le « pas d’ennemis à droite ». C’est ainsi que pour les présidentielles de 1988, Jean Marie n’appellera à voter ni pour Chirac ni pour Mitterrand.

En 1995, c'est l'ouverture des frontières, le FN conquiert 125 000 voix de plus qu’en 1988. Les réfractaires aux accords de Schengen rejoignent alors l’extrême droite.
L’ascension du FN est telle que les autres partis reprennent les thèmes de prédilections de Papi Lepen : le patriotisme étant le dada de Ségolene et Sarkozy. D’ailleurs des affinités se créent. Si Le Pen disait qu’on ne choisit pas entre "le pire et le mauvais" en parlant de Mitterrand et Chirac. "Monsieur Sarkozy est [en revanche, ndlr] quelqu'un avec qui l'on peut parler".

D’apaisement en dédiabolisation, le FN finit par obtenir 16.86% des suffrages de 2002. Jean Marie et Jacques se retrouvent ensemble au deuxième tour. Le Président sortant profite de la panique populaire pour lancer un appel. « L’union nationale » fait grimper ses voix jusqu’à 82%. Tandis que Le Pen conserve ses 17,9%. C’est le premier recul du FN depuis 1974.

Pour le père Le Pen, plus alléché par l’odeur de l’argent que par celle du pouvoir, la défaite n’est pas si grave. Mais sa fille ne l’entend pas de cette oreille. En 2007, Marine reprend les rennes du parti. Elle l’adapte à l’époque, plus de chauvinisme, plus de provocations, l’idéologie s’assouplie. Et ce modernisme lui fait gagner en popularité. Si bien, qu’on envisage la présence de Marine au 2nd tour des présidentielles de 2017.

Un programme qui promet quelques bleus marines

Mais le programme politique du FN est-il réalisable ? Sur le site du parti on peut voire que Marine souhaiterait se désolidariser des firmes et multiplier les PME pour lutter contre le chômage, la création d’emplois annihilerait ainsi l’insécurité. En parallèle, elle « remettra en cause » les accords européens pour récupérer la suprématie nationale (notamment en ce qui concerne le retour à la monnaie nationale et le rejet des accords de Schengen). Ces manœuvres sont possibles mais ne sont pas sans contraintes. Fermer les frontières et renoncer au libre échange pour créer un vaste réseau de PME c’est augmenter le coût de production puisque la main d’œuvre Française est plus chère que celle de Roumanie ou de Chine. Le pouvoir d’achat va donc baisser et créer l’inflation. En plus d’être chère la production sera limitée puisque la France ne peut pas produire les mêmes quantités que l’Europe ou le monde. Donc c’est risquer la pénurie. En d’autres termes « le protectionnisme de Marine fabriquera beaucoup de travailleurs mais des travailleurs pauvres puisque leurs niveaux de vie aura baissé. A l’inverse, la mondialisation empêche la pénurie et même si elle augmente le taux de chômage les produits sont à des prix très compétitifs. » Thomas Guénolé, politologue.

A la différence de son père qui se servait des vérités brutes et dérangeantes pour révéler la médiocrité de la droite et de la gauche, Marine fait coup double en se servant de l’imaginaire collectif pour enrober sa politique xénophobe par des faux semblants d’antilibéralisme. Et ça marche, puisqu’en 2012 la patronne obtient 25% aux élections européennes, le chiffre estimé de son prochain score aux présidentielles de 2017. Rien ne semble arrêter le FN, peu importe que son programme soit bancal, incohérent et démago. « Ce parti a ceci d’original qu’il vit et croît des médiocrités de tous les autres, et plus généralement de la perversité de notre système politique malade de la dictature institutionnelle des partis. » (Extrait de l’article politique magazine, Pourquoi le FN fait-il peur ?) Et c’est vers les jeunes et l’électorat de droite radicalisé que les frontistes trouvent leur public.

Des libéralistes aux nationalistes: encore et toujours du fist...

Comme tous les partis politiques, l’extrême droite a la crédibilité qu’on veut bien lui donner. Mais il ne faut pas le comparer avec son ancêtre fasciste et néonazie d’il y a 70 ans. Comme nous le rappelle notre politologue, « Marine ne veut pas créer une dictature, elle cherche à instaurer un protectionnisme mêlé de souverainisme et de colbertisme ». Comme définit par le Larousse, le fascisme est un courant autoritaire inspiré du régime italien de Mussolini : un Etat totalitaire, militaire régit par un parti unique. Au vue de ses discours, le FN paraît alors plus nationaliste (prédominance de l’intérêt national par rapport à l’intérêt individuel, définition Larousse) que fasciste. De toute manière, il serait aujourd’hui très improbable qu’une nation bascule dans la dictature. Déjà parce que le souvenir populaire de la guerre reste trop fort pour que l’opinion publique accompagne une idéologie xénophobe. D’autre part, il faut savoir qu’à la sortie de la guerre les accords internationaux ont dissous la suprématie étatique en dispersant les institutions politiques, économiques et juridiques aux quatre coins de l’Europe, justement pour empêcher la formation de régime totalitaire. Cependant, comme nous le rappelle notre politologue, le Super-Etat Européen est une légende trop largement rependue, chaque Etat membre de l’Europe peut en sortir, gelant ainsi le pouvoir décisionnaire des institutions qui ont déjà bien du mal à se mettre d’accord sur des désaccords. Il est donc possible de quitter l’Europe pour récupérer son souverainisme et établir un régime dictatorial. Mais qu’on se rassure, cette voix ne semble pas être celle du FN de Marine Le Pen… pour le moment.

Il est aussi intéressant de constater que l’ascension de l’extrême droite se fait sans le consentement des autres familles politiques. La diabolisation qui agissait autrefois comme le point Godwin de la politique et qui permettait à n’importe quel candidat de remporter les faveurs de l’opinion publique, pourvu qu’il en appel au « blocage Républicain » ne prend plus. Et ce depuis Nicolas Sarkozy qui a donné une vraie place à l’extrême droite dans le paysage politique Français. Sous les recommandations de son conseiller Patrick Buisson, Nicolas a adapté les discours sécuritaires et patriotiques du parti frontiste, pour récupérer les électeurs de « la France profonde ». Ce qui pouvait passer pour une bonne stratégie sur le court terme s’est révélé être un véritable fiasco pour l’UMP sur le long terme. Comme l’a dit Marine Le Pen sur RTL en juin 2012 [Patrick Buisson] "a contribué à décomplexer une grande partie de l'électorat UMP qui en réalité pense la même chose que nous mais n'osait pas encore le dire. Voilà, c'est un fait et c'est une avancée, c'est incontestable". Donc, non seulement le FN s’est élevé au niveau des partis traditionnels grâce à la droite mais en plus l’UMP a implosé dès suite de nombreux scandales financiers et autres duels de successions. A croire que le génie de Mitterrand n’a d’égal que la bêtise de Sarko.


Parti démocratique pas très républicain ?

Aujourd’hui on peut dire que la place du FN dans le paysage politique est démocratique puisque le parti pèse quasiment autant que ses concurrents, ce qui n’a jamais été le cas auparavant. Peut-on pour autant considérer le FN comme un parti Républicain ? Tout dépend duquel on parle. La modernisation de l’extrême droite par Marine Le Pen fait que le parti est clairement scindé en deux. Si l’on parle de l’idéologie Lepeniste du père qui suggère qu’il y aurait des castes dans la population et donc qu’il y aurait des citoyens supérieurs à d’autres on est dans l’antithèse de l’esprit Républicain. A l’inverse la politique de la fille qui occulte les différences raciales avec le rejet de l’Europe et le retour au souverainisme de la France s’inscrit dans les valeurs de la République. C’est subtil mais ça fait la différence.

Ce courant moderne revendiquait par Marine Le Pen a su s’adapter aux idéaux du Français moyen. Il prend le nom de Philippisme, (du nom du vice président du Front National, Florian Philippot). Marine s’inspire clairement de l’idéologie de son conseiller pour réformer son parti. De ce point de vue, le philippisme est un parti républicain même s’il conserve des tendances xénophobes (à la différence du Lepenisme les étrangers ne sont pas des citoyens inférieurs mais ils seraient mieux chez eux, c’est subtil mais là encore, ça fait la différence).

Alors comment le FN remporterait-il les présidentielles de 2017 ? Deux éléments : 1/ Il faudrait que Marine affronte un candidat représentant la déception des Français (Hollande (22% de satisfaction) ou Sarkozy (28%) par exemple). Un duel Marine/Juppé serait plus difficile étant donné la côte de popularité du maire de Bordeaux (51% contre 39% pour Marine). 

2/ Il faut que la Présidente du FN arrive à assouplir suffisamment ce que les électeurs lui reprochent : ses valeurs xénophobes et réactionnaires.

Marine Présidente c'est donc loin d'être improbable, mais si après lecture de cet article vous ne savez pas quoi penser du Front National. Alors faite comme moi procurez vous un passeport...


Xenora


Sources:

jeudi 19 février 2015

par la Rédaction en    Pas de commentaire
Avec 32% d'intention de vote le FN a de fortes chances d'arriver au second tour des Présidentielles de 2017. Et si Marine gagnait le match que son père avait perdu en 2002? Que serait un quinquénat sous son mandat? Un régime frontiste serait-il une menace pour la Démocratie? Ou bien notre peur de l'extrême droite est-elle irrationnelle? Alors, réplique du IIIème Reich ou idéologie inapplicable, Bête & Méchant à mené l'enquête au travers du premier volet de "Un quinquénat sous le FN"...






                                          https://www.youtube.com/watch?v=66UozurliIk

vendredi 6 février 2015

Nathalie kosciusko-morizet, Anne Hidalgo, Jérôme Cahuzac, Nicolas Sarkozy ou encore Marine Lepen, il y en a du gratin nominé au grand « Prix du menteur en politique » 2014. Thomas Guénolé, politologue et auteur du « Petit guide du mensonge en politique » (Ed.First), présidera la cérémonie, il nous révèle les origines de ce projet, une occasion pour nous de lui demander d’évaluer notre démocratie. Nous avons confronté ses réponses à celles de notre expert Bête & Méchant…


B&M : C’est quoi le prix du Menteur en politique ?

T.G : L’idée m’est venue le mois dernier en regardant des sites de « fact-checking » (sites d’information qui prend son origine dans les déclarations d’élus). Je me suis dis que ce serait bien de faire un prix du menteur en politique. Je voulais que ce soit ludique et sérieux en même temps. Par ce prix on voudrait inciter la classe politique à moins mentir mais aussi encourager les journalistes et les citoyens à bien vérifier les déclarations qu’ils entendent.


B&M : Comment l’édition 2014 s’est déroulée ?

T.G :J’ai rassemblé des journalistes spécialisés et l’entente a été immédiate. On a tous choisis trois nominés et je suis très satisfait de la liste finale. Le 8 janvier on remettra son prix au lauréat et trois prix spéciaux seront décernés. Un à Jérôme Cahuzac pour « l’ensemble de son œuvre », le prix du « jeune espoir » sera remit  à Guillaume Pelletier et le prix « un certain regard » récompensera Jean Pierre Jouyet qui a réalisé une première en démentant un démenti.


B&M : Avez-vous une préférence pour un nominé ?

T.G : J’ai une préférence mais je ne peux pas vous la révéler. Je ne voudrais pas influencer le vote par ma décision. Ce que je peux dire, c’est que l’absence de François Hollande a suscité l’interrogation sur les réseaux sociaux. Mais pour moi c’est un menteur antécédent à 2014. Je ne peux que lui reprocher d’avoir menti lors de son discours au Bourget en 2012. Lorsqu’il avait affirmé que « mon véritable ennemi c’est le monde de la finance » et d’avoir assuré pouvoir redresser la courbe du chômage en deux ans. Mais pas de crainte, il aura bien le temps de se rattraper pour le prix 2015.

Avis de notre expert Bête & Méchant :

Un bon nombre de promesses n’ont pas été tenues par François Hollande : Les 75% d’imposition dès 1 million de revenu mensuel, la réforme de l’immunité présidentielle visant à condamner les crimes et délits du chef de l’Etat ou encore sur le pacte budgétaire européen censé être renégocié. Sur le plan juridique, le traité soumis au parlement est quasiment le même que celui adopté sous Sarkozy. A l’exception d’une aide européenne de 120 milliards d’euros devant être remboursée en 3 ans et qui n’a visiblement, pas suffit à relancer la croissance. François Hollande a donc menti à la fin de ce délai soit en 2014.


B&M : Les scandales sont de plus en plus récurrents. Est-ce que les politiciens mentent plus ?

T.G : Les mensonges des politiques ne sont pas plus nombreux, c’est le travail des journalistes qui est plus approfondi. La mise en lumière des scandales politiques est une vraie tendance. Le prix du menteur veut servir cette volonté d’informer. Car dans une démocratie, l’information est d’utilité publique.


B&M : En 1930, J.M Keynes qualifiait la France de «seule nation du monde dans laquelle les hommes d'Etat n'ont pas commencés par dire la vérité à leurs compatriotes », est-ce que la France est un cas unique ?

T.G : La France n’a pas le monopole du mensonge. Je dirais même que les mensonges sont inhérents à l’évolution de la société, je m’explique : Il est de coutume de dire que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Si on savait toutes les décisions qui sont prises par nos élus on finirait par s’entretuer (ou à tuer nos élus, ndlr). Le problème c’est la finalité et le degré du mensonge. Car ils servent plus les intérêts privés que le bien commun.

Avis de notre expert Bête & Méchant :

Il est certain que les secrets d’Etat ne nous serons jamais révélés si le gouvernement ne le désire pas. Les révélations ne concernent pas des mensonges géopolitiques, se sont toujours des abus d’ordre personnel (sexe, compte bancaire). Ces scandales sont lamentables d’autant plus qu’ils donnent naissance à des polémiques inutiles qui dissimulent des réalités bien plus graves. A titre d’exemple, le mariage pour tous a alimenté les clivages sociaux alors que la priorité c’était la sortie de la crise économique. L’affaire DSK, la laïcité, le terrorisme… Il y a comme une surenchère de la polémique pour gagner l’électorat.


B&M : Les mensonges rendent-ils la politique médiocre ?


T.G : Les élus ne sont pas plus menteurs que les citoyens mais on exige d’eux qu’ils soient des héros de la République. Leurs écarts sont inacceptables d’autant plus que leurs conséquences sont plus graves (on estime à 663 millions d’euros fraudés au Pôle emploi et à la sécurité sociale contre 3.66 Milliard pour la fraude fiscale, ndlr). La politique ne devient pas plus médiocre se sont nos exigences qui sont de plus en plus fortes. La transparence médiatique a fait qu’on s’est rapproché de nos élus. Ils sont plus exigeants parce qu’on est plus exigeant avec eux. C’est tout l’inverse de la médiocrité.

Avis de notre expert Bête & Méchant :

Je pense que si nous voulons des citoyens impliqués et patriotes, il faut que notre politique soit exemplaire. Dans le cas inverse, lorsque les élus ne respectent pas les engagements qui leurs ont servit à être élu alors on peut considérer que le vote ne sert à rien. Dans une démocratie, le peuple est souverain. Si les représentants se soustraient à leurs devoirs, alors ils violent la Démocratie, celle-ci n'est alors ni plus ni moins qu'un semblant de dictature.


B&M : Reste t-il une conviction politique chez les électeurs malgré les promesses non tenues ?

T.G : Il y a une conviction chez les Français mais ce n’est plus la même qu’autrefois. Individualiste, l’électeur d’aujourd’hui se forme à la politique par la télé. Chacun choisissant sa chaîne par rapport à sa conviction. Sauf que la tendance des médias à vouloir séduire par le sensationnalisme pousse involontairement les électeurs vers l’hystérie [et donc vers la paranoïa et l’insécurité, ndlr] Je vous laisse en déduire les conséquences… En tout cas, l’hystérie collective et  le sensationnalisme dans les médias se nourrissent l’un de l’autre et incitent les partis politiques à se radicaliser. La radicalisation est donc une tendance générale.


B&M : Coluche disait « si le vote servait à quelque chose, ça ferait longtemps qu’on l’aurait interdit » le vote n’a t-il pas d’importance ?

T.G : Soit on est démocrate soit on ne l’est pas et dans ce cas on supprime le vote et on tombe dans la dictature. Moi je fais partie de ceux qui pensent que le vote est un devoir et doit être obligatoire pour tous ceux qui en on l’âge.

Avis de notre expert Bête & Méchant :

La question est délicate mais il ne faut pas être radical. La démocratie des grecques n’autorisait pas tout le monde à voter et en France, elle est antérieure au droit de vote des femmes (1945). Le vote n’est pas une question de sexe ou de couleur c’est une question de conviction. Le fait que les citoyens votent en masse sans aucune connaissance politique rend leurs opinions malléables, le vote perd alors de sa valeur et les conséquences peuvent être dangereuses. Voter doit être obligatoire dans la mesure où l’on peut justifier de son choix de manière réfléchit et personnel. C’est ça un devoir citoyen.


B&M : Le suffrage universel est-il efficace pour représenter la souveraineté populaire ?

T.G : En tout cas on n’a pas trouvé mieux…

Avis de notre expert Bête & Méchant :

Que tout le monde ait le droit de vote c'est démocratique mais encore faut-il déterminer la valeur de ce vote. Le vote blanc par exemple n'influence pas l’élection. Il faut redonner une place centrale aux citoyens. Dans la démocratie antique, les grecs se réunissait en assemblée, ils votaient les lois et les élus étaient choisis ou révoqués directement par les citoyens, il n’y avait pas d’organe représentatif intermédiaire. Ce système inspirera la Stochocratie un modèle électoral basée sur le tirage au sort pour éviter la corruption. Et la Suisse a instauré un système unique au monde de démocratie fédérale consocialtionnelle. Le pays étant constitué de nombreuses minorités, il a fallut chercher l’entente plutôt que l’affrontement. Le peuple a donc une place prépondérante dans le système politique, c’est lui qui accepte et votent les lois par référendum et il peut en exiger si au moins 100 000 Suisses le réclame. Si en France nous n’avons eu l’occasion de participer qu’à 9 référendums depuis 1848, les Suisses eux en ont réalisés 565!


B&M : La recette d’une démocratie idyllique ?

T.G : Elle n’existe pas. Mais on peut proposer des pistes d’améliorations. Comme interdire le cumule des mandats, rendre le vote obligatoire sous peine d’amende, recommencer les élections qui ont plus de 50% de votes blancs et remplacer le sénat à la proportionnelle intégrale. Histoire de représenter tous les partis afin qu’ils ne puissent pas plaider l’exclusion. Enfin, il faut exiger une transparence totale en ce qui concerne l’utilisation des fonds publics. Tout citoyen doit être informé de l’utilisation des finances publiques s’il en fait la demande. Malheureusement aujourd’hui, ces instituts prétextent toujours une raison à la con.

Avis de notre expert Bête & Méchant :

Ce serait un bon début mais je ne suis pas pour traquer les citoyens pour qu’ils aillent voter. Il faut éveiller la conscience politique des Français. Mis à l'écart et impuissant face aux décisions, l'électeur ne voit plus l’importance de son acquis démocratique. Il faut lui redonner espoir en la politique, en imposant une totale transparence des débats politiques par exemple. Lui donner la possibilité de participer à la vie de son pays en lui donnant le pouvoir de valider ou refuser les propositions de lois. Et lui permettre de destituer un élu ou de lui imposer une sanction en cas d’abus ou de manquement à sa fonction.

Interview mené par Xenora

Sources: 
http://www.lefigaro.fr/assets/promesses-hollande/Promesses-Francois-Hollande.html