vendredi 6 février 2015

Nathalie kosciusko-morizet, Anne Hidalgo, Jérôme Cahuzac, Nicolas Sarkozy ou encore Marine Lepen, il y en a du gratin nominé au grand « Prix du menteur en politique » 2014. Thomas Guénolé, politologue et auteur du « Petit guide du mensonge en politique » (Ed.First), présidera la cérémonie, il nous révèle les origines de ce projet, une occasion pour nous de lui demander d’évaluer notre démocratie. Nous avons confronté ses réponses à celles de notre expert Bête & Méchant…


B&M : C’est quoi le prix du Menteur en politique ?

T.G : L’idée m’est venue le mois dernier en regardant des sites de « fact-checking » (sites d’information qui prend son origine dans les déclarations d’élus). Je me suis dis que ce serait bien de faire un prix du menteur en politique. Je voulais que ce soit ludique et sérieux en même temps. Par ce prix on voudrait inciter la classe politique à moins mentir mais aussi encourager les journalistes et les citoyens à bien vérifier les déclarations qu’ils entendent.


B&M : Comment l’édition 2014 s’est déroulée ?

T.G :J’ai rassemblé des journalistes spécialisés et l’entente a été immédiate. On a tous choisis trois nominés et je suis très satisfait de la liste finale. Le 8 janvier on remettra son prix au lauréat et trois prix spéciaux seront décernés. Un à Jérôme Cahuzac pour « l’ensemble de son œuvre », le prix du « jeune espoir » sera remit  à Guillaume Pelletier et le prix « un certain regard » récompensera Jean Pierre Jouyet qui a réalisé une première en démentant un démenti.


B&M : Avez-vous une préférence pour un nominé ?

T.G : J’ai une préférence mais je ne peux pas vous la révéler. Je ne voudrais pas influencer le vote par ma décision. Ce que je peux dire, c’est que l’absence de François Hollande a suscité l’interrogation sur les réseaux sociaux. Mais pour moi c’est un menteur antécédent à 2014. Je ne peux que lui reprocher d’avoir menti lors de son discours au Bourget en 2012. Lorsqu’il avait affirmé que « mon véritable ennemi c’est le monde de la finance » et d’avoir assuré pouvoir redresser la courbe du chômage en deux ans. Mais pas de crainte, il aura bien le temps de se rattraper pour le prix 2015.

Avis de notre expert Bête & Méchant :

Un bon nombre de promesses n’ont pas été tenues par François Hollande : Les 75% d’imposition dès 1 million de revenu mensuel, la réforme de l’immunité présidentielle visant à condamner les crimes et délits du chef de l’Etat ou encore sur le pacte budgétaire européen censé être renégocié. Sur le plan juridique, le traité soumis au parlement est quasiment le même que celui adopté sous Sarkozy. A l’exception d’une aide européenne de 120 milliards d’euros devant être remboursée en 3 ans et qui n’a visiblement, pas suffit à relancer la croissance. François Hollande a donc menti à la fin de ce délai soit en 2014.


B&M : Les scandales sont de plus en plus récurrents. Est-ce que les politiciens mentent plus ?

T.G : Les mensonges des politiques ne sont pas plus nombreux, c’est le travail des journalistes qui est plus approfondi. La mise en lumière des scandales politiques est une vraie tendance. Le prix du menteur veut servir cette volonté d’informer. Car dans une démocratie, l’information est d’utilité publique.


B&M : En 1930, J.M Keynes qualifiait la France de «seule nation du monde dans laquelle les hommes d'Etat n'ont pas commencés par dire la vérité à leurs compatriotes », est-ce que la France est un cas unique ?

T.G : La France n’a pas le monopole du mensonge. Je dirais même que les mensonges sont inhérents à l’évolution de la société, je m’explique : Il est de coutume de dire que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Si on savait toutes les décisions qui sont prises par nos élus on finirait par s’entretuer (ou à tuer nos élus, ndlr). Le problème c’est la finalité et le degré du mensonge. Car ils servent plus les intérêts privés que le bien commun.

Avis de notre expert Bête & Méchant :

Il est certain que les secrets d’Etat ne nous serons jamais révélés si le gouvernement ne le désire pas. Les révélations ne concernent pas des mensonges géopolitiques, se sont toujours des abus d’ordre personnel (sexe, compte bancaire). Ces scandales sont lamentables d’autant plus qu’ils donnent naissance à des polémiques inutiles qui dissimulent des réalités bien plus graves. A titre d’exemple, le mariage pour tous a alimenté les clivages sociaux alors que la priorité c’était la sortie de la crise économique. L’affaire DSK, la laïcité, le terrorisme… Il y a comme une surenchère de la polémique pour gagner l’électorat.


B&M : Les mensonges rendent-ils la politique médiocre ?


T.G : Les élus ne sont pas plus menteurs que les citoyens mais on exige d’eux qu’ils soient des héros de la République. Leurs écarts sont inacceptables d’autant plus que leurs conséquences sont plus graves (on estime à 663 millions d’euros fraudés au Pôle emploi et à la sécurité sociale contre 3.66 Milliard pour la fraude fiscale, ndlr). La politique ne devient pas plus médiocre se sont nos exigences qui sont de plus en plus fortes. La transparence médiatique a fait qu’on s’est rapproché de nos élus. Ils sont plus exigeants parce qu’on est plus exigeant avec eux. C’est tout l’inverse de la médiocrité.

Avis de notre expert Bête & Méchant :

Je pense que si nous voulons des citoyens impliqués et patriotes, il faut que notre politique soit exemplaire. Dans le cas inverse, lorsque les élus ne respectent pas les engagements qui leurs ont servit à être élu alors on peut considérer que le vote ne sert à rien. Dans une démocratie, le peuple est souverain. Si les représentants se soustraient à leurs devoirs, alors ils violent la Démocratie, celle-ci n'est alors ni plus ni moins qu'un semblant de dictature.


B&M : Reste t-il une conviction politique chez les électeurs malgré les promesses non tenues ?

T.G : Il y a une conviction chez les Français mais ce n’est plus la même qu’autrefois. Individualiste, l’électeur d’aujourd’hui se forme à la politique par la télé. Chacun choisissant sa chaîne par rapport à sa conviction. Sauf que la tendance des médias à vouloir séduire par le sensationnalisme pousse involontairement les électeurs vers l’hystérie [et donc vers la paranoïa et l’insécurité, ndlr] Je vous laisse en déduire les conséquences… En tout cas, l’hystérie collective et  le sensationnalisme dans les médias se nourrissent l’un de l’autre et incitent les partis politiques à se radicaliser. La radicalisation est donc une tendance générale.


B&M : Coluche disait « si le vote servait à quelque chose, ça ferait longtemps qu’on l’aurait interdit » le vote n’a t-il pas d’importance ?

T.G : Soit on est démocrate soit on ne l’est pas et dans ce cas on supprime le vote et on tombe dans la dictature. Moi je fais partie de ceux qui pensent que le vote est un devoir et doit être obligatoire pour tous ceux qui en on l’âge.

Avis de notre expert Bête & Méchant :

La question est délicate mais il ne faut pas être radical. La démocratie des grecques n’autorisait pas tout le monde à voter et en France, elle est antérieure au droit de vote des femmes (1945). Le vote n’est pas une question de sexe ou de couleur c’est une question de conviction. Le fait que les citoyens votent en masse sans aucune connaissance politique rend leurs opinions malléables, le vote perd alors de sa valeur et les conséquences peuvent être dangereuses. Voter doit être obligatoire dans la mesure où l’on peut justifier de son choix de manière réfléchit et personnel. C’est ça un devoir citoyen.


B&M : Le suffrage universel est-il efficace pour représenter la souveraineté populaire ?

T.G : En tout cas on n’a pas trouvé mieux…

Avis de notre expert Bête & Méchant :

Que tout le monde ait le droit de vote c'est démocratique mais encore faut-il déterminer la valeur de ce vote. Le vote blanc par exemple n'influence pas l’élection. Il faut redonner une place centrale aux citoyens. Dans la démocratie antique, les grecs se réunissait en assemblée, ils votaient les lois et les élus étaient choisis ou révoqués directement par les citoyens, il n’y avait pas d’organe représentatif intermédiaire. Ce système inspirera la Stochocratie un modèle électoral basée sur le tirage au sort pour éviter la corruption. Et la Suisse a instauré un système unique au monde de démocratie fédérale consocialtionnelle. Le pays étant constitué de nombreuses minorités, il a fallut chercher l’entente plutôt que l’affrontement. Le peuple a donc une place prépondérante dans le système politique, c’est lui qui accepte et votent les lois par référendum et il peut en exiger si au moins 100 000 Suisses le réclame. Si en France nous n’avons eu l’occasion de participer qu’à 9 référendums depuis 1848, les Suisses eux en ont réalisés 565!


B&M : La recette d’une démocratie idyllique ?

T.G : Elle n’existe pas. Mais on peut proposer des pistes d’améliorations. Comme interdire le cumule des mandats, rendre le vote obligatoire sous peine d’amende, recommencer les élections qui ont plus de 50% de votes blancs et remplacer le sénat à la proportionnelle intégrale. Histoire de représenter tous les partis afin qu’ils ne puissent pas plaider l’exclusion. Enfin, il faut exiger une transparence totale en ce qui concerne l’utilisation des fonds publics. Tout citoyen doit être informé de l’utilisation des finances publiques s’il en fait la demande. Malheureusement aujourd’hui, ces instituts prétextent toujours une raison à la con.

Avis de notre expert Bête & Méchant :

Ce serait un bon début mais je ne suis pas pour traquer les citoyens pour qu’ils aillent voter. Il faut éveiller la conscience politique des Français. Mis à l'écart et impuissant face aux décisions, l'électeur ne voit plus l’importance de son acquis démocratique. Il faut lui redonner espoir en la politique, en imposant une totale transparence des débats politiques par exemple. Lui donner la possibilité de participer à la vie de son pays en lui donnant le pouvoir de valider ou refuser les propositions de lois. Et lui permettre de destituer un élu ou de lui imposer une sanction en cas d’abus ou de manquement à sa fonction.

Interview mené par Xenora

Sources: 
http://www.lefigaro.fr/assets/promesses-hollande/Promesses-Francois-Hollande.html


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