samedi 28 février 2015

Depuis sa création le FN n’a jamais régressé. Si en 1974, Jean Marie peinait avec ses 0.74% de scrutins, en 2015 sa fille flirt avec les 30% d’intention de vote (sondage Marianne). Chaque aléa donnant un peu plus de crédit au parti. La crise économique ? La faute au libéralisme. La crise sociale ? La faute aux entreprises et à l’incompétence du gouvernement. Les attentats contre Charlie Hebdo ? Pas besoin de se prononcer les 32% d’intention de vote (+5points) parlent d’eux même. Et si l’actualité donne souvent raison au FN c’est que ses valeurs se nourrissent de l’imaginaire collectif.


Il était une foi...

(pour ce petit récap' deux options: lire le paragraphe ci-dessous ou visionner la vidéo Quand Marine sera présidente)


En 1983 Mitterrand (socialiste) cherche une façon de diviser la droite pour gagner les élections présidentielles de 1986. Le Front National très virulent, devient alors « le diable de la République ». Le Président lui ouvre les médias pour donner davantage de crédit au parti. L’année suivante Mitterrand va plus loin. Voyant que la droite est estimée vainqueur des législatives de 1986 il décide de changer le mode de scrutin et introduit la proportionnelle.

De son côté SOS Racisme met le feu aux poudres. Par le biais d’Harlem Desir l’association va utiliser les thèmes du FN pour décrédibiliser l’extrême droite et ramener les jeunes vers le Président. La stratégie marche, la « Génération Mitterrand » est née.
Grâce à la proportionnelle. Le FN passe de 0.75% des voix à 14.38% au premier tour de 1988 (ce système de vote est ensuite abandonné la même année pour revenir au scrutin majoritaire).

Chirac (droite) comprend alors que s’il veut remplacer Mitterrand il aura besoin des 4 375 000 de voix de Lepen. Il tentera une approche infructueuse avec le leader FN en 1986. Le 1er Ministre n’acceptant aucune concession en échange des voix du FN. Il ne cédera ni à la proposition d’alliance de Jean Marie ni à sa politique d’immigration… Au grand damne de Raymon Barre, Valery Giscard, Charles Pasqua et Edouard Balladur qui voulaient séduire leurs électeurs en prônant le « pas d’ennemis à droite ». C’est ainsi que pour les présidentielles de 1988, Jean Marie n’appellera à voter ni pour Chirac ni pour Mitterrand.

En 1995, c'est l'ouverture des frontières, le FN conquiert 125 000 voix de plus qu’en 1988. Les réfractaires aux accords de Schengen rejoignent alors l’extrême droite.
L’ascension du FN est telle que les autres partis reprennent les thèmes de prédilections de Papi Lepen : le patriotisme étant le dada de Ségolene et Sarkozy. D’ailleurs des affinités se créent. Si Le Pen disait qu’on ne choisit pas entre "le pire et le mauvais" en parlant de Mitterrand et Chirac. "Monsieur Sarkozy est [en revanche, ndlr] quelqu'un avec qui l'on peut parler".

D’apaisement en dédiabolisation, le FN finit par obtenir 16.86% des suffrages de 2002. Jean Marie et Jacques se retrouvent ensemble au deuxième tour. Le Président sortant profite de la panique populaire pour lancer un appel. « L’union nationale » fait grimper ses voix jusqu’à 82%. Tandis que Le Pen conserve ses 17,9%. C’est le premier recul du FN depuis 1974.

Pour le père Le Pen, plus alléché par l’odeur de l’argent que par celle du pouvoir, la défaite n’est pas si grave. Mais sa fille ne l’entend pas de cette oreille. En 2007, Marine reprend les rennes du parti. Elle l’adapte à l’époque, plus de chauvinisme, plus de provocations, l’idéologie s’assouplie. Et ce modernisme lui fait gagner en popularité. Si bien, qu’on envisage la présence de Marine au 2nd tour des présidentielles de 2017.

Un programme qui promet quelques bleus marines

Mais le programme politique du FN est-il réalisable ? Sur le site du parti on peut voire que Marine souhaiterait se désolidariser des firmes et multiplier les PME pour lutter contre le chômage, la création d’emplois annihilerait ainsi l’insécurité. En parallèle, elle « remettra en cause » les accords européens pour récupérer la suprématie nationale (notamment en ce qui concerne le retour à la monnaie nationale et le rejet des accords de Schengen). Ces manœuvres sont possibles mais ne sont pas sans contraintes. Fermer les frontières et renoncer au libre échange pour créer un vaste réseau de PME c’est augmenter le coût de production puisque la main d’œuvre Française est plus chère que celle de Roumanie ou de Chine. Le pouvoir d’achat va donc baisser et créer l’inflation. En plus d’être chère la production sera limitée puisque la France ne peut pas produire les mêmes quantités que l’Europe ou le monde. Donc c’est risquer la pénurie. En d’autres termes « le protectionnisme de Marine fabriquera beaucoup de travailleurs mais des travailleurs pauvres puisque leurs niveaux de vie aura baissé. A l’inverse, la mondialisation empêche la pénurie et même si elle augmente le taux de chômage les produits sont à des prix très compétitifs. » Thomas Guénolé, politologue.

A la différence de son père qui se servait des vérités brutes et dérangeantes pour révéler la médiocrité de la droite et de la gauche, Marine fait coup double en se servant de l’imaginaire collectif pour enrober sa politique xénophobe par des faux semblants d’antilibéralisme. Et ça marche, puisqu’en 2012 la patronne obtient 25% aux élections européennes, le chiffre estimé de son prochain score aux présidentielles de 2017. Rien ne semble arrêter le FN, peu importe que son programme soit bancal, incohérent et démago. « Ce parti a ceci d’original qu’il vit et croît des médiocrités de tous les autres, et plus généralement de la perversité de notre système politique malade de la dictature institutionnelle des partis. » (Extrait de l’article politique magazine, Pourquoi le FN fait-il peur ?) Et c’est vers les jeunes et l’électorat de droite radicalisé que les frontistes trouvent leur public.

Des libéralistes aux nationalistes: encore et toujours du fist...

Comme tous les partis politiques, l’extrême droite a la crédibilité qu’on veut bien lui donner. Mais il ne faut pas le comparer avec son ancêtre fasciste et néonazie d’il y a 70 ans. Comme nous le rappelle notre politologue, « Marine ne veut pas créer une dictature, elle cherche à instaurer un protectionnisme mêlé de souverainisme et de colbertisme ». Comme définit par le Larousse, le fascisme est un courant autoritaire inspiré du régime italien de Mussolini : un Etat totalitaire, militaire régit par un parti unique. Au vue de ses discours, le FN paraît alors plus nationaliste (prédominance de l’intérêt national par rapport à l’intérêt individuel, définition Larousse) que fasciste. De toute manière, il serait aujourd’hui très improbable qu’une nation bascule dans la dictature. Déjà parce que le souvenir populaire de la guerre reste trop fort pour que l’opinion publique accompagne une idéologie xénophobe. D’autre part, il faut savoir qu’à la sortie de la guerre les accords internationaux ont dissous la suprématie étatique en dispersant les institutions politiques, économiques et juridiques aux quatre coins de l’Europe, justement pour empêcher la formation de régime totalitaire. Cependant, comme nous le rappelle notre politologue, le Super-Etat Européen est une légende trop largement rependue, chaque Etat membre de l’Europe peut en sortir, gelant ainsi le pouvoir décisionnaire des institutions qui ont déjà bien du mal à se mettre d’accord sur des désaccords. Il est donc possible de quitter l’Europe pour récupérer son souverainisme et établir un régime dictatorial. Mais qu’on se rassure, cette voix ne semble pas être celle du FN de Marine Le Pen… pour le moment.

Il est aussi intéressant de constater que l’ascension de l’extrême droite se fait sans le consentement des autres familles politiques. La diabolisation qui agissait autrefois comme le point Godwin de la politique et qui permettait à n’importe quel candidat de remporter les faveurs de l’opinion publique, pourvu qu’il en appel au « blocage Républicain » ne prend plus. Et ce depuis Nicolas Sarkozy qui a donné une vraie place à l’extrême droite dans le paysage politique Français. Sous les recommandations de son conseiller Patrick Buisson, Nicolas a adapté les discours sécuritaires et patriotiques du parti frontiste, pour récupérer les électeurs de « la France profonde ». Ce qui pouvait passer pour une bonne stratégie sur le court terme s’est révélé être un véritable fiasco pour l’UMP sur le long terme. Comme l’a dit Marine Le Pen sur RTL en juin 2012 [Patrick Buisson] "a contribué à décomplexer une grande partie de l'électorat UMP qui en réalité pense la même chose que nous mais n'osait pas encore le dire. Voilà, c'est un fait et c'est une avancée, c'est incontestable". Donc, non seulement le FN s’est élevé au niveau des partis traditionnels grâce à la droite mais en plus l’UMP a implosé dès suite de nombreux scandales financiers et autres duels de successions. A croire que le génie de Mitterrand n’a d’égal que la bêtise de Sarko.


Parti démocratique pas très républicain ?

Aujourd’hui on peut dire que la place du FN dans le paysage politique est démocratique puisque le parti pèse quasiment autant que ses concurrents, ce qui n’a jamais été le cas auparavant. Peut-on pour autant considérer le FN comme un parti Républicain ? Tout dépend duquel on parle. La modernisation de l’extrême droite par Marine Le Pen fait que le parti est clairement scindé en deux. Si l’on parle de l’idéologie Lepeniste du père qui suggère qu’il y aurait des castes dans la population et donc qu’il y aurait des citoyens supérieurs à d’autres on est dans l’antithèse de l’esprit Républicain. A l’inverse la politique de la fille qui occulte les différences raciales avec le rejet de l’Europe et le retour au souverainisme de la France s’inscrit dans les valeurs de la République. C’est subtil mais ça fait la différence.

Ce courant moderne revendiquait par Marine Le Pen a su s’adapter aux idéaux du Français moyen. Il prend le nom de Philippisme, (du nom du vice président du Front National, Florian Philippot). Marine s’inspire clairement de l’idéologie de son conseiller pour réformer son parti. De ce point de vue, le philippisme est un parti républicain même s’il conserve des tendances xénophobes (à la différence du Lepenisme les étrangers ne sont pas des citoyens inférieurs mais ils seraient mieux chez eux, c’est subtil mais là encore, ça fait la différence).

Alors comment le FN remporterait-il les présidentielles de 2017 ? Deux éléments : 1/ Il faudrait que Marine affronte un candidat représentant la déception des Français (Hollande (22% de satisfaction) ou Sarkozy (28%) par exemple). Un duel Marine/Juppé serait plus difficile étant donné la côte de popularité du maire de Bordeaux (51% contre 39% pour Marine). 

2/ Il faut que la Présidente du FN arrive à assouplir suffisamment ce que les électeurs lui reprochent : ses valeurs xénophobes et réactionnaires.

Marine Présidente c'est donc loin d'être improbable, mais si après lecture de cet article vous ne savez pas quoi penser du Front National. Alors faite comme moi procurez vous un passeport...


Xenora


Sources:

1 commentaire:

  1. Le libéralisme est une théorie philosophique d'abord, puis politique, qui met en haut du système de valeur la liberté individuelle. C'est le règne de l'illimité. Cela impose les quatre libertés : liberté de circulation des capitaux, des biens, des services et des personnes. Il est bien évident que le nationalisme, le souverainisme, ou la simple envie de retrouver des frontières est un acte contre le libéralisme. Cela ne veut pas dire que c'est la seule manière de s'opposer au libéralisme. OUI le libéralisme est plus efficace sur le strict plan économique. Mais nous sommes des êtres humains, pas des agents économiques. nous voulons bien vivre, pas vivre de la manière la plus efficace économiquement. Vu que vous citez Thomas Guénolé, voici un débat qu'il fait avec un cadre du FN http://www.egaliteetreconciliation.fr/Florian-Philippot-lamine-un-politologue-de-troisieme-zone-25807.html . Enfin je vous amène à considérer que le mondialisme (le projet d'instaurer un gouvernement mondial), dont l'union européenne et le traité transatlantique sont les marche-pieds, sont bel et bien un totalitarisme "mou", qui ne dit pas son nom. Voir par exemple les conférences de François Asselineau ou les livres et conférences de Pierre Hillard sur le sujet. Sur l'idéologie "républicain", voyez le génocide vendéen, les persécutions des congrégations religieuses sous la 3ème république, les exécutions sommaires à l'épuration... Il y a bien en République des citoyens supérieurs aux autres : ceux qui sont initiés dans les loges maçonniques (à commencer par le Grand Orient de France). Renseignez vous pour ne pas tomber dans les pièges. Bien à vous

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